Il est temps de changer la donne dans les processus de paix


Date de parution: mars 2021

Le leadership des femmes dans les processus de paix et de sécurité

Un blogue pour la Journée internationale des femmes 2021

Adapté du discours prononcé par Meredith Preston McGhie lors des événements de l’Alliance mondiale des femmes médiatrices en octobre 2020

 

Nous parlons depuis des décennies de la nécessité pour les femmes de jouer un rôle fondamental et central dans la consolidation de la paix et de la sécurité – à tous les niveaux, dans tous les domaines et à toutes les étapes des processus de paix. Nous parlons depuis vingt ans de la nécessité de changer les processus de rétablissement de la paix.

Vingt ans.

Sanam Anderlini, PDG et fondatrice de l’International Civil Society Action Network, a fait remarquer que si nous regardons le rythme auquel un enfant apprend à lire, ou les profits des entreprises, ou toute autre mesure d’avancement, et que nous comparons à cela les progrès dans les vingt dernières années en ce qui concerne les femmes, la paix et la sécurité, ces derniers sont tout simplement inacceptables.

Bien que certains progrès aient été réalisés, la Journée internationale des femmes est l’occasion de réfléchir à ce qu’il reste à faire. Nous vivons à une époque polarisée et divisée. Les inégalités et les conflits se sont révélés plus durables que nos efforts pour la paix et l’égalité. Ce moment de défi nous offre l’occasion de faire les choses différemment.

Nous devons faire pression pour une plus grande reconnaissance et une plus grande action autour du rôle des femmes dans la consolidation de la paix. Nous devons également constater que, structurellement, les processus de paix aujourd’hui ne parviennent pas à instaurer une paix durable. Les artisans de la paix, hommes et femmes, travaillent dans des conditions extrêmement difficiles avec un dévouement extraordinaire. Mais nos résultats collectifs demeurent insuffisants.

Et si nous travaillions, collectivement, à transformer le système en vue de développer de nouvelles façons de rétablir la paix et des approches novatrices qui donnent aux femmes une place centrale, plutôt que secondaire?

Il est temps de remettre en question le système de rétablissement de la paix

2020 a été une année de remise en question des systèmes et de réflexion sur la façon d’éliminer les obstacles systémiques qui entravent la pleine et entière participation des femmes dans de nombreux domaines de la société. Cette année, nous devons agir. Le travail de paix doit être soumis aux mêmes réflexions critiques. Bien que nous ayons besoin de solutions pratiques pour faire progresser le leadership, l’engagement, la reconnaissance et la protection des femmes dans les efforts de consolidation de la paix et de médiation, nous devons travailler à transformer le système dans son ensemble.

Il est temps de pousser pour une refonte du système d’établissement de la paix

Si nous, les femmes, savons que ces systèmes ne fonctionnent pas, nous ne devrions pas nous contenter d’exercer des pressions pour obtenir un siège à la table. Nous devrions faire pression pour que toute la table, la salle, le bâtiment et l’infrastructure soient redessinés. Au Centre mondial du pluralisme, nous nous efforçons de réinventer les processus de paix, non pas seulement pour mettre fin à la violence actuelle, mais plutôt pour bâtir des sociétés durables, inclusives, pacifiques et prospères.

En faisons-nous assez pour provoquer un changement structurel? Et que pouvons-nous faire pour soutenir les artisanes de la paix dans ce changement?

Il est temps de relever la barre au niveau international

Je crois qu’en tant qu’artisanes de la paix, nous devons pousser la communauté internationale qui appuie ces processus vers des normes plus élevées si nous souhaitons créer des sociétés pacifiques et inclusives. Comme on nous l’a souvent rappelé au cours de la dernière année, le fardeau du changement revient trop souvent aux personnes exclues.

Les détenteurs du pouvoir dans le système multilatéral doivent voir les avantages réels de mobiliser les femmes artisanes de la paix pour consolider la paix et la stabilité à l’échelle mondiale. Il s’agit d’une question de sécurité internationale, et non pas seulement une « question de femmes ». Les engagements à soutenir les femmes artisanes de la paix doivent être appuyés par une véritable autorité politique.

Ce soutien de la communauté internationale devrait chercher à développer des approches transformatrices de rétablissement de la paix multilatérale. Cela nécessite l’adhésion de diverses voix au cœur du système, plutôt qu’à la périphérie. Dans toutes les discussions au Conseil de sécurité de l’ONU, par exemple, les processus décisionnels devraient inclure une diversité de voix.

De nombreux gouvernements, y compris le mien au Canada, pourraient montrer la voie, par exemple en :

Cette approche exige plus de temps, d’efforts, de ressources et une façon différente d’écouter et de consulter. Tout cela est possible, et nous pouvons également améliorer notre façon de soutenir les femmes artisanes de la paix sur le terrain, en examinant notre façon de les financer (en anglais).

Il est temps de faire pression pour un meilleur financement et un meilleur soutien pour les femmes

Il y a actuellement trop de concurrence pour les ressources. Le financement des femmes artisanes de la paix est souvent difficile d’accès et restrictif. Un éventail d’approches créatives pourrait être exploré. Pour assurer un financement plus durable à long terme, nous pourrions préconiser un « revenu de base universel » pour les femmes qui œuvrent en faveur de la paix au niveau communautaire, ou des fonds de dotation pour les mouvements de consolidation de la paix organisés par des femmes, ou encore un fonds mondial d’affectation spéciale pour soutenir les femmes qui travaillent pour la paix.

Ce financement devrait s’accompagner du soutien politique nécessaire pour remédier aux déséquilibres fondamentaux du pouvoir qui minent l’inclusivité et, en fin de compte, le succès des processus de paix.

Il est temps de changer notre façon de penser

Le soutien financier aux femmes artisanes de la paix n’est qu’un des domaines dans lesquels nous pouvons commencer à apporter des changements structurels. Travailler à une approche véritablement transformatrice centrée sur le pluralisme dans l’ensemble du processus en est un autre. J’espère que nous pourrons élaborer de nouvelles idées et élargir encore les limites du modèle d’inclusion que nous préconisons depuis 20 ans.

Il y a du pouvoir dans le fait de se réunir avec les réseaux régionaux et mondiaux pour amplifier les voix des femmes et ainsi changer les équilibres de pouvoir au sein du système actuel. Ces réseaux peuvent rassembler des acteurs à tous les niveaux – des femmes au niveau communautaire, des acteurs dans les processus formels et les gouvernements et d’autres artisans de la paix engagés dans le changement.

La Journée internationale des femmes offre l’occasion d’élever ces voix et d’appeler au changement, tout en rappelant à la communauté internationale qu’il doit s’agir d’un effort continu tout au long de l’année. Le moment est venu d’amorcer ce changement.